Dissabte, Paris, Mostra, Ostau Europenc de la Fotografia, Calou: Livres de nus, une anthologie (libres de nus, una antologia).
Calou, te descope dins lo jornau francés dedicat ai filosofes, lo bel article d'Anne Sauvagnargues sus lei libres de nus. Ditz ben leis impressions qu'ai agudas pendent la vesita.
Parures de nus -
Per ANNE SAUVAGNARGUES
QUOTIDIEN : Liberation jeudi 8 novembre 2007 (frança). Liberacion dau dijous 8 de Novembre de 2007.
L’exposition «Livres de nus, une anthologie», qui présente la collection d’Alessandro Bertolotti, enchaîne en douze stations captivantes les étapes du livre de photographie de nus, des débuts de la photographie à nos jours. Passant de l’académisme aux récits sadomasochistes de la République de Weimar, des nus sportifs androgynes du nazisme aux compositions surréalistes ou à la culture gay, on suit avec stupeur les circonvolutions du désir sur le théâtre de la censure, des clichés stéréotypés aux œuvres de Bellmer ou de Mapplethorpe.
Les images les plus anciennes sont les plus intrigantes. Un monsieur nu, moustache cirée, prend la pose du dieu sur un talus. Deux travailleurs, cariatides improbables, soutiennent de concert un immeuble, révélant de puissantes anatomies dans un face-à-face érotique. Quelques nymphettes, sur une lande poussiéreuse, brandissent des raquettes. Ce commerce entre photographie et peinture montre comment la photographie, humble servante, copiant sans vergogne les puissants charmes de la peinture dans l’espoir de conquérir des lettres de noblesses artistiques, en fait littéralement imploser les codes maniérés. Impossible de ne pas pouffer devant telle jeune fille hiératique tenant par le museau un cheval vivant sur une stèle. Ces recueils de photographies montrent moins l’érotisme palpitant sous le poncif que la limite changeante d’un seuil de tolérance, en même temps un seuil d’excitation : ligne de front fragile, fascinante, où se heurtent et se confortent plaisir du nu et goût de la censure.
Hilarant. Pourtant, n’avons-nous pas conquis depuis les années soixante la libération sexuelle ? Telle est la révélation de cette exposition : rien de moins naturel que le nu. La nudité est un code, aussi bien que l’habit. Elle réclame autant d’accessoires, de conventions et de clichés. La culture gay et les fantaisies les plus contemporaines sont aussi codifiées que l’érotisme de nos grands-parents. Simplement, comme notre code nous est plus familier, nous ne le sentons pas. Il éclate au contraire, tonitruant et hilarant, dans les répertoires plus anciens. Il est donc moins question d’érotisme dans cette collection que de poses, qui cachent et révèlent l’odeur du sexe à reculons dans une farouche provocation puritaine.
Infusant délicatement leur sensualité dans des poses idéalisantes, les photographies de nus permettent de suivre une histoire sociale des mœurs, bien plus clairement que les vêtements. La peau palpite sous l’imprimé. Mais – et c’est le ressort fétichiste de cette exposition – la peau nue affleure sur la surface sensible de la photographie. Car le nu est une surface de contact, d’affleurement, surface sensible qui rappelle opportunément la connivence entre le papier et la peau, la pellicule et la reproduction imprimée. La peau palpite sous l’imprimé.
Voyeurisme. Le ressort de cette collection est le nu tel qu’il se reproduit à fort tirage, non dans un acte sexuel, mais dans la prolifération mécanique des exemplaires de la presse imprimée qui offrent aux visiteurs le grain de leurs reproductions. La pulsion du contact, fétichisme normal du lecteur – tourner les pages, effeuiller le livre – se brise net sur les vitrines de protection. Lire, alors, c’était aussi passer la main et l’œil sur une peau ? Effleurer un chiffon, le soulever, permettre à l’œil de caresser une surface blottie sous l’épaisseur de la feuille précédente : le voyeurisme tactile de cette histoire du nu touche de plein fouet le lecteur.
Par un hasard heureux, s’ouvre samedi prochain à la galerie Guislain-Etats d’art (35, rue Génégaud, Paris VIe, jusqu’au 17 décembre) une exposition du peintre Georgik, dont les nus picturaux répondent à ces photographies. Des nudités criantes cloquent sous la toile. Laissant affleurer l’équivoque d’un déshabillé qui ne s’arrête pas à la peau mais vire à l’écorché, à la surface pelée, jouant avec les pellicules colorées, les dessous, voiles musculaires drapées sur des os en verre. Ces toiles agissent comme des peaux, elles se teintent d’affects, elles foncent sous les images comme la peau bleuit sous les coups. Liberation (Paris, França), dau 8 de novembre, p. 28.
QUOTIDIEN : Liberation jeudi 8 novembre 2007 (frança). Liberacion dau dijous 8 de Novembre de 2007.
L’exposition «Livres de nus, une anthologie», qui présente la collection d’Alessandro Bertolotti, enchaîne en douze stations captivantes les étapes du livre de photographie de nus, des débuts de la photographie à nos jours. Passant de l’académisme aux récits sadomasochistes de la République de Weimar, des nus sportifs androgynes du nazisme aux compositions surréalistes ou à la culture gay, on suit avec stupeur les circonvolutions du désir sur le théâtre de la censure, des clichés stéréotypés aux œuvres de Bellmer ou de Mapplethorpe.
Les images les plus anciennes sont les plus intrigantes. Un monsieur nu, moustache cirée, prend la pose du dieu sur un talus. Deux travailleurs, cariatides improbables, soutiennent de concert un immeuble, révélant de puissantes anatomies dans un face-à-face érotique. Quelques nymphettes, sur une lande poussiéreuse, brandissent des raquettes. Ce commerce entre photographie et peinture montre comment la photographie, humble servante, copiant sans vergogne les puissants charmes de la peinture dans l’espoir de conquérir des lettres de noblesses artistiques, en fait littéralement imploser les codes maniérés. Impossible de ne pas pouffer devant telle jeune fille hiératique tenant par le museau un cheval vivant sur une stèle. Ces recueils de photographies montrent moins l’érotisme palpitant sous le poncif que la limite changeante d’un seuil de tolérance, en même temps un seuil d’excitation : ligne de front fragile, fascinante, où se heurtent et se confortent plaisir du nu et goût de la censure.
Hilarant. Pourtant, n’avons-nous pas conquis depuis les années soixante la libération sexuelle ? Telle est la révélation de cette exposition : rien de moins naturel que le nu. La nudité est un code, aussi bien que l’habit. Elle réclame autant d’accessoires, de conventions et de clichés. La culture gay et les fantaisies les plus contemporaines sont aussi codifiées que l’érotisme de nos grands-parents. Simplement, comme notre code nous est plus familier, nous ne le sentons pas. Il éclate au contraire, tonitruant et hilarant, dans les répertoires plus anciens. Il est donc moins question d’érotisme dans cette collection que de poses, qui cachent et révèlent l’odeur du sexe à reculons dans une farouche provocation puritaine.
Infusant délicatement leur sensualité dans des poses idéalisantes, les photographies de nus permettent de suivre une histoire sociale des mœurs, bien plus clairement que les vêtements. La peau palpite sous l’imprimé. Mais – et c’est le ressort fétichiste de cette exposition – la peau nue affleure sur la surface sensible de la photographie. Car le nu est une surface de contact, d’affleurement, surface sensible qui rappelle opportunément la connivence entre le papier et la peau, la pellicule et la reproduction imprimée. La peau palpite sous l’imprimé.
Voyeurisme. Le ressort de cette collection est le nu tel qu’il se reproduit à fort tirage, non dans un acte sexuel, mais dans la prolifération mécanique des exemplaires de la presse imprimée qui offrent aux visiteurs le grain de leurs reproductions. La pulsion du contact, fétichisme normal du lecteur – tourner les pages, effeuiller le livre – se brise net sur les vitrines de protection. Lire, alors, c’était aussi passer la main et l’œil sur une peau ? Effleurer un chiffon, le soulever, permettre à l’œil de caresser une surface blottie sous l’épaisseur de la feuille précédente : le voyeurisme tactile de cette histoire du nu touche de plein fouet le lecteur.
Par un hasard heureux, s’ouvre samedi prochain à la galerie Guislain-Etats d’art (35, rue Génégaud, Paris VIe, jusqu’au 17 décembre) une exposition du peintre Georgik, dont les nus picturaux répondent à ces photographies. Des nudités criantes cloquent sous la toile. Laissant affleurer l’équivoque d’un déshabillé qui ne s’arrête pas à la peau mais vire à l’écorché, à la surface pelée, jouant avec les pellicules colorées, les dessous, voiles musculaires drapées sur des os en verre. Ces toiles agissent comme des peaux, elles se teintent d’affects, elles foncent sous les images comme la peau bleuit sous les coups. Liberation (Paris, França), dau 8 de novembre, p. 28.
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