La Grèce s’apprête à régulariser ses immigrés de deuxième génération
Libération - De notre correspondante à Athènes EFFY TSELIKASQUOTIDIEN : lundi 4 août 2008
La Grèce va enfin reconnaître l’existence de ses enfants d’immigrés. Cette semaine, le Parlement doit examiner un projet de loi attribuant une carte de séjour de cinq ans à plus de 120 000 clandestins d’un genre très particulier. Nés en Grèce de parents immigrés légaux résidant en Grèce depuis de nombreuses années, ayant suivi leur scolarité entière dans des établissements grecs, ils se découvrent illégaux le jour de leurs 18 ans.
Ils sont obligés de partir dans le pays de leurs parents, qu’ils ne connaissent pas en général et dont ils parlent souvent mal la langue. Là-bas, ils doivent faire les démarches, en partant de zéro, pour obtenir un visa de séjour pour la Grèce où demeure leur famille. Cette situation ubuesque est la conséquence du jus sanguinis - droit du sang - qui donne automatiquement la nationalité grecque à tout descendant de Grec, même à la énième génération, même s’il ne parle pas le grec et même s’il n’a aucun rapport avec la réalité grecque d’aujourd’hui ; mais qui ne la reconnaît pas à ceux qui vivent sur le sol hellénique s’ils ne sont pas nés au moins d’un père grec.
Droit du sol. Le gouvernement propose de délivrer une carte de séjour à ces enfants qui, ensuite, pourront être naturalisés. Le pari n’est pas gagné car les conservateurs du parti du Premier ministre, Costas Caramanlis, n’ont qu’une voix de majorité à l’Assemblée. Beaucoup, à gauche et notamment au sein du Pasok, le parti socialiste, voudraient en revanche une réforme beaucoup plus radicale, introduisant un droit du sol avec une citoyenneté automatique dès la naissance ou au moins à 18 ans pour les enfants nés de parents étrangers mais résidant en Grèce.
En tout cas, les conservateurs au pouvoir comme l’opposition sont d’accord sur la nécessité de repenser de bout en bout la politique migratoire du pays, après le cri d’alarme lancé par le professeur Alexandre Zavos, directeur de l’Institut de politique de l’immigration (Imepo). Dans son rapport il demande à la fois une politique plus affirmée pour faire face à l’afflux, en constante augmentation, de clandestins sur les îles proches de la Turquie, en particulier Samos et Chios. En contrepartie il conseille au gouvernement d’avoir une politique d’intégration digne de ce nom, pour ceux qui vivent depuis longtemps sur le territoire grec.
Dans un pays avec un des plus bas taux de fécondité du monde (1,3 enfant par femme), ces fils et filles d’immigrés, souvent excellents élèves et ayant la «rage de réussir», sont l’avenir économique du pays.
Trublion. La plupart des Grecs n’ont jamais voulu voir que leur pays, longtemps terre d’émigration, est devenu, en deux décennies, un lieu d’immigration. Albanais et Roumains, mais aussi Géorgiens, Ukrainiens ou Arméniens sont arrivés après la chute du communisme. Ainsi que tous ceux qui, venant du Proche Orient ou de l’Afrique vers l’eldorado nord- européen, s’arrêtent en route. On estime aujourd’hui à 1 à 2 millions de personnes - sur un total de 11 millions - cette population immigrée. Elle n’a jamais été reconnue.
Le 24 juillet, à la réception officielle du président de la République pour la fête de la démocratie, le trublion Alexis Tsipras, leader trentenaire du parti de gauche Synaspismos, est arrivé tenant par la main une jeune et belle fille, Canditza Sango, née en Grèce de parents sierra-léonais, parlant parfaitement grec en citant les paroles de la chanson Je vis un rêve, du chanteur à la mode Michalis Hatzigiannis. Les médias n’ont cessé de passer en boucle les images et l’interview de la jeune fille, devenue emblématique de toute sa génération.
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