dimecres, 21 de març del 2007

anen o, pèr la lengo d'o

L’un apprend l’occitan, l’autre le chante, le troisième le met en scène. Le dernier est le chanteur de Massila Sound System. Tous défendent la langue dans sa diversité. Quatre hommes qui témoignent des multiples couleurs de la langue d’Oc. Trois d’entre eux seront à Béziers demain.

A 36 ans, informaticien à la fac de sciences de Montpellier, Sébastien Layssac - « Sep » pour ses amis, hommage à la phonétique catalane - vit l’occitan par amour, d’abord du bilinguisme dit-il. Des langues en général. L’anglais, il l’a appris aux États-Unis où il a passé quelques temps de son enfance avant de débarquer à Montpellier. L’occitan - du patois disait-on là-bas - il l’a vaguement entendu dans la bouche d’un grand-père andorran, installé en Aveyron. Ses tantes de Cahors le parlaient aussi parfaitement.
Mais c’est surtout son empathie avec les mots, les accents aussi, qui va le mener sur le chemin de la langue d’Oc. Au début des années 1990, pas illogique de le retrouver à la fac Paul Valery où, dans le cadre d’un Deug d’anglais, il se « régale » en option, trois heures par semaine, en cours d’occitan. « Ca m’a beaucoup plu de retrouver la source d’expressions qu’on utilise dans le coin qui viennent, sans le savoir, tout droit de l’occitan », se souvient Sep.
Après la fac, l’occitan reviendra à ses oreilles par la montée en puissance d’un mouvement musical, incarné par les Massilia Sound System et les Fabulous Trobadors. A Toulouse - chez ces derniers - il s’y rend d’ailleurs deux années de suite avec ses potes pour les célèbres fêtes du quartier Arnaud Bernard.
Arthur, 5 ans, s’imprègne du bilinguisme à l’école « dau Clapas » de Figuerolles. « C’est super bien d’apprendre une langue même si elle ne sert à rien. De toute façon, j’ai pas tellement envie que mon fils apprennent une langue pour vendre ou faire du business. » Arthur comprend déjà parfaitement l’occitan. « Devant nous il ne le parle pas trop mais quand on le surprend, c’est impressionnant », se réjouit le père.
Demain, la petite famille du Mas d’Alhen - près de Saint-Paul-et-Valmalle - prendra la route de Béziers comme elle avait pris celle de Carcassonne il y a deux ans. « J’irai à Pau s’il le fallait ! »
A une époque, Sep a aussi fait pas mal de kilomètres pour voir plusieurs fois Massilia Sound System. Tatou chante, revendique, s’éclate, au sein de ce groupe emblématique de la scène méridionale. Son credo, c’est l’occitan qu’il pratique avec aisance au nom de la liberté d’expression. « L’occitan, le seul domaine libre, irréductible à la manipulation. » Une langue « de civilités » qui symbolise, pour l’artiste, l’histoire de Marseille. « Elle est la clé qui nous permet de trouver les outils qui vont nous servir pour avoir un discours, un regard marseillais ». Il est également question de l’utiliser chaque fois pour la récupération d’espace public, de pratique sociale dans les quartiers, etc. « car elle est la langue la plus adaptée ».
Tatou revendique : « Je ne suis pas un occitan biologique, c’est un choix qui m’a permis de me libérer du centralisme car le français est utilisé par l’État pour imposer son élite. » Et afin de donner forme à sa pensée, il précise : « Parler français, c’est comme utiliser les lunettes d’un autre, fabriquées par l’autre pour qu’on y voie mal dedans. »
Une identité forte et importante pour tout le monde. « La seule chose qui fait que l’on ne ressemble pas aux Parisiens. C’est dans le même temps un refus de cette vision d’un Marseille light. » En tant que chanteur, créateur, il avoue utiliser l’occitan « pour échapper à une vision imposée ». Puis, le rebelle assène : « être contre l’occitan, c’est être contre toutes les expressions et cultures populaires ».
André Neyton, pionnier historique du théâtre en terres toulonnaises, sera à la manif biterroise, en signataire de l’initiative. En scène sudiste depuis 1971, il a installé son Théâtre de la Méditerranée et le Centre dramatique occitan à l’Espace Comédia, au cœur du quartier du Mourillon. Solide militant occitan, il n’en est pas moins un farouche partisan de l’ouverture aux cultures de tous horizons. La langue occitane est plantée en lui depuis qu’il apprit que son grand-père, « émigré de Grenoble », et sa grand-mère, originaire d’Italie, « se parlaient, à la maison, en provençal ».

Tatou: "Etre contre l'occitan,
c'est être contre toutes les
expressions et cultures populaires"

André Neyton rappelle aux oublieux qu’à cette époque (première moitié du XXème siècle, NDLR), « la langue occitane était obligée pour le rapport social, pour l’insertion sur le lieu de travail ». L’homme de théâtre, avant Béziers, se veut optimiste : « Il y a deux ans à Carcassonne, nous étions 10 000. Au vu de la mobilisation, je pense que cette fois-ci, nous dépasserons les 15 000 »…

Le combat de M. Neyton pour sa langue sudiste est très prosaïquement lié à son combat pour les langues régionales en général : « Ce sont les pouvoirs parisiens qui ont créé le mot patois. Le pire de tout est que le combat consistant à détruire tout un pan de culture continue à s’intensifier. On renvoie l’apprentissage de nos langues au domaine privé, ce qui est scandaleux ; on réduit notre place dans les médias ; enfin on restreint la place de notre expression dans l’Education nationale ».
La couleur occitane en Vaucluse est musicale. Guy Bonnet, André Chiron, mais aussi Stéphane Manganelli sont les représentants de la langue en chansons. Stéphane Manganelli est prof de math à Carpentras, mais aussi chanteur. Il a repris Fugain en provençal et se construit aussi un répertoire qui lui ressemble. Ce Vacqueyrassien vit la langue comme un vecteur de rapprochement des individus entre eux. « Je suis vacqueyrassien, vauclusien, provençal, occitan, français, européen. Pour me revendiquer de mon identité, je dois la partager, c’est comme ça que je conçois la culture. »
Le rassemblement de Béziers est historique en ce qu’il rassemble « des « ennemis » de longtemps, comme l’Institut d’études occitanes et le Félibrige.»

La Marseillaise, 16 de mars de 2007.