divendres, 22 d’agost del 2008



Lo darnier buf de Mahmoud Darwich.






Dins la calor de julhet, lo mistrau calèt. Leis enfants espinchèron per lei fenèstras per lo veire passar. Per lo veire passar lo buf de Mahmoud Darwich. L’ausiguèron passar coma la parada d’un grand circ prestigiós. Çò que fasiá dançar lei ridèus ai fenèstras. Aqueste ser son buf jogariá amé tres musicaires dins lo tiatre antic. Leis enfants qu’èran d’un país Entre Dos e qu’anavan pas jamai ais espectacles, recampats dins l’ombra de seis ostaus sudistes, aurian de mistraladas de poèsia orientala dins leis aurilhas. La lenga poetica parlava dins sa lenga. Un actor franchimand repreniá amé pudor cadun de sei vers sens jamai lei trair. Passava ben lo buf. Passava ben lo buf de Mahmoud Darwich. Per dire lei rompeduras, lei frontièras dolorosas e la simpla vida vidanta. Nòstrei guèrras inutilas tanben. Fuguèt la fin de l’espectacle. La darnièra musica. Lo darnier poèma. Es an aqueste moment que lei vièlhas carguèron sei pichòtei lanas negras de veusas gregalas, assetadas sus lei pèiras miticas de la cavea. Es an aqueste moment que mistrau s’auborèt, fresc, afrós, picant coma un iceberg tragic. Carrejant am’èu lo darnier buf de Mahmoud Darwich. E lei enfants, e lei vièlhas, barrèron sei fenèstras e sei pichòtei lanas. La darnier buf de Mahmoud. De Mahmoud Darwich. Lo darnier buf. De Mahmoud. De Mahmoud Darwich.


Tam, estiéu de 2008.


Dans la chaleur de juillet, le mistral s’arrêta. Les enfants regardèrent par les fenêtres pour le voir passer. Pour le voir passer le souffle de Mahmoud Darwich. Ils l’entendirent passer comme la parade d’un grand cirque prestigieux. Ce qui faisait danser les rideaux aux fenêtres. Ce soir son souffle jouerait avec trois musiciens dans le théâtre antique. Les enfants qui étaient d’un pays Entre Deux et qui n’allaient jamais aux spectacles, recroquevillés dans l’ombre de leurs maisons sudistes auraient des mistralades de poésie orientale dans les oreilles. La langue poétique parlait dans sa langue. Un acteur français reprenait avec pudeur chacun des vers sans jamais les trahir. Il passait bien le souffle. Il passait bien le souffle de Mahmoud Darwich. Pour dire les ruptures, les frontières douloureuses et le simple quotidien. Nos guerres inutiles aussi. Ce fut la fin du spectacle. La dernière musique. Le dernier poème. C’est à ce moment que les vieilles portèrent leurs petites laines noires de veuves grecques, assises sur les pierres mythiques de la cavea. C’est à ce moment que le mistral se leva, frais, affreux, piquant comme un iceberg tragique. Transportant avec lui le dernier souffle de Mahmoud Darwich. Et les enfants, et les vieilles, fermèrent leurs fenêtres et leurs petits laines. Le dernier souffle de Mahmoud. De Mahmoud Darwich. Le dernier souffle de Mahmoud. De Mahmoud Darwich.


Tam, été 2008.

Ainsi qu'une fenêtre, j'ouvre sur ce que je veux

Fotografia: (c) Lou Tam-Tam 2008 - Una fenèsta arlatenca, quauqueis oras avans la prestacion de Mahmoud Darwich dins lo tiatre antic. A la debuta de julhet.


Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?

Traduit de l'arabe (Palestine) par Elias Sanbar

127 pages

Titre original : Limâdhâ tarakta al-hisân wahîdan

Editeur original : Riad El-Rayyes Books Ltd, 1995

Arles, Actes Sud, 1996

Extraits:


JE VOIS MON OMBRE QUI S’AVANCE DE LOIN



Ainsi qu’une fenêtre, j’ouvre sur ce que je veux

J’ouvre sur mes amis qui apportent le courrier du soir

Du pain, du vin, quelques romans

Et, des microsillons

J’ouvre sur des mouettes et des camions de soldats

Qui changent les arbres de ce lieu

J’ouvre sur le chien de mon voisin émigré

Il y a un an et demi, du Canada

J’ouvre sur Abou al-Tayyib al-Mutanabbi

Parti de Tibériade vers l’Egypte

Sur le cheval du chant

J’ouvre sur la rose de Perse qui grimpe

La clôture de fer

Ainsi qu’une fenêtre, j’ouvre sue ce que je veux(…)

J’ouvre sur ma langue après deux jours

Un peu d’absence suffit

Et Eschyle ouvrira la porte à la paix

Un bref discours

Et Antoine embrasera la guerre

Et me suffit

La main d’une femme dans la mienne

Pour que j’enlace ma liberté

Et que le sac et le ressac reprennent dans mon corps

Ainsi qu’une fenêtre, j’ouvre sur ce que je veux

J’ouvre sur mon ombre

Qui s’avance

De

Loin (…)


Mhamoud Darwich