divendres, 22 de juny del 2007

la grande morte épisode 10 et final


Revient la nuit. Laetitia erre dans la ville. Tout est droit et géométrique, à cause de Balladur. A la radio Comme d’habitude de Claude François. « Je me lève et je te bouscule ». Le désarroi la prend. Pas une place libre. Au parking, elle essaie un créneau. Défonce le pare choc de la Twingo rose derrière. Pas le temps de laisser un mot. « Tu ne te réveilles pas comme… ». Stop éject. Point mort. Frein à main. Elle sort. Se dirige droit vers le casino. Un instinct de femme. Ils sont là, c’est sûr. Son mari, sa maîtresse. Ne pas la décevoir.

A l’entrée du casino, un groupe fun de jeunes lycéens, beauté du diable, demandent au videur d’entrer. Soirée techno du Wizz, la boite du sous-sol. Il fait entrer les mineurs sans problème, en oubliant de fouiller dans les sacs et de les vider de toute l’ecstasy de la terre. La neige tombe dans le sud. Les ville bourges sont sensibles aux avalanches.

Un noir est refusé. Il porte des baskets.

Laetitia est belle dans son chagrin. On dirait Geena Rowlands dans un film de Cassavetes. Sauf qu’elle est brune. Elle porte une robe rouge, fendue à la jambe gauche et des chaussures vernies rouges. Elle monte à l’étage du Casino pour les apercevoir. Elle boit une coupe de champagne pour se remonter. Avec tous ces cachetons accumulés depuis deux ans inutile de préciser l’effet. La furie pleure et chante. Mais son mari, elle ne le voit pas, là en plongée. « La » professeur de lettres se dirige aux pissotières.

« Il doit te la baiser, là-bas »

Elle ne surveille plus son langage. Elle se cogne dans les gens. Même pas pardon. Quand elle se sent emportée à contre courant par la foule, elle pense :

« Merdechier ! ».

Elle le pense. Elle le crie. Elle est folle. Putain ! François Maïokovski, ! L’auteur des Pancréatites ! Il ne faut pas qu’il la reconnaisse. Non. Le médecin est trop absorbé par la roulette. Vexée, elle se précipite vers lui.

- François ! François !

- Les jeux sont faits ! crie le croupier.

L’homme ravis de voir Geena Rowlands, oublie sa partie. Elle lui tend la boite :

- Dis-moi, François, ces cachets.

- Rien ne va plus…

- Laetitia ? Toi ici ? Tu te dévergondes ! Tu t’es défaite de tes filets ? Ah ! Ah ! Allez, viens boire un coup, on va fêter ça !

Elle montre la boite des pilules :

- Non, je suis pressée. Ces cachets, dis-moi c’est bien pour mes douleurs d’estomac, non ?

- Fais-voir…Du « Pénéquet 500 »… Non, c’est pour dormir. Mais pour dormir grave, vois – tu.

Laetitia pense à Jean :

- Quel connard !

François prend l’injure pour lui, veut lui répondre, mais elle est déjà loin :

- La prochaine fois que tu veux m’insulter, salope, n’oublie pas de m’oublier !

Tout s’accélère. Elle s’enfuit, renverse une vieille peau. Une schnock, dégoulinante de bijoux qui vient de gagner de quoi acheter trois dentiers en or. Comme une tortue renversée, la vieille suffoque.

Laetitia arrive aux pissotières. Mais son marin n’est pas là. Tiens bon la vague, tiens bon le vent. Elle court, elle court, dehors sur les avenues, s’enfonce dans le sable des plages aux dunes artificielles. Ses pas solitaires dans le sable ressemblent aux premiers pas de l’homme sur la lune.

Quand soudain les voilà. A la terrasse d’un café japonais : le Manga Manga. Ils font un karaoké. Le marin tient enlacé sa pute. Une mise en scène à faire pâlir Pétula Clark dans un variety show des Maritie-et-Gilbert-Carpentier. Concentrés sur les arrangements ringues de la machine, ils n’ont pas le temps de l’apercevoir. Jean tient le micro. Il beugle :

« Je me lève et je te bouscule… »

Laetitia sort le six coup. Comme un funambule, elle tire dans le dos des deux amants.

Gigi, le sang remonté par la bouche tombe en tournant la tête, rencontre les yeux de Laetitia. Sa tête s’écrase sur le bitume. Elle est apaisée. Elle est belle.

Elles voulaient se connaître.

Laetitia ne regarde pas Jean tomber. Il était mort avant qu’elle ne lui tire dessus. Il y a une heure quand il lui donnait les Pénéquet 500, elle portait déjà le deuil.

Pan ! Il tombe.

Elle ne veut plus voir son visage. Et son visage s’estompe derrière le halot de touristes qui se rapprochent, les yeux posés sur le corps mort comme les mouches sur la charogne.

Elle l’oublie.

Trois pilules roulent à côté du visage éteint de Gigi, au ralenti.

« Tu ne te réveilles pas, comme d’habitude ».

Et la musique continue. Sans les paroles.