dimarts, 19 de juny del 2007

la grande morte épisode 7


Laetitia lit son Pancréatites. Il lui caresse le bras. Il l’aime. Mais la trahison est plus forte. A son tour, il ouvre son livre, le seul qu’il lit et relit sans cesse avant de s’endormir : Les travailleurs de la mer. C’est une édition jaune sable, Garnier Paris des années 60. Il aime ce livre. Il en a découpé les pages lui même. Les pages sont lourdes et caressantes comme les vagues. Du papier, encore de qualité, se dégage un embrun. Il fixe sans cesse ces mêmes illustrations de Victor Hugo. Victor Hugo est un marin. Son esprit a jeté l’ancre à jamais dans ce livre, que Jean lit et puis relit, que ses yeux parcourent comme une éternelle traversée. La page de garde est signée par Laetitia. Un tatouage à ses yeux. Un encrage à son cœur.
Il lui caresse le bras et il remonte sa main. Elle reste concentrée sur son passage préféré : les images rencontrées au cours des pancréatopathies chroniques. Sa main remonte sa main, sa bouche frôle son épaule. Son épaule chaire de poule, il en picore chaque pore. Elle soupire alors, elle l’aime tant. Mais le marin a une autre femme, dans un autre port, sur un énorme navire. Ce Casino, c’est un autre bateau éclatant aux machines qui chantent et qui brillent. Gigi : une autre femme, une autre sirène. Tellement différente qu’il ne peut pas l’aimer pareil. Tellement différente, qu’il ne peut pas faire un choix. L’une est l’âme, l’autre le corps. Et il aime sans choisir. Une femme dans chaque port. Une dans un navire. L’autre dans une barque.
Rame, rame, ramons, ramez.
La tempête de la trahison souffle. Laetitia remonte le drap, comme une voile.
- Chérie, dit le marin, tu as oublié tes pilules.
- C’est vrai, dit-elle. Mes pilules. Pour ma douleur.
- Si je n’étais pas là, comment tu ferais ? … Tes pilules.
- Oui. Mes pilules. Pour ma douleur.
Il se lève. Traverse la salle de bain. Léger, discret mais efficace. Il prend les pilules dans la pharmacie. Les pilules rouges dans la boite blanche. Deux. Le verre d’eau. « Aqueste còp, i siam ! ». Il revient dans la chambrée. Et elle ne dit rien. Elle avale les pilules, croit que c’est pour son bien. Il y a deux ans, ils avaient vu le docteur ensemble, le docteur François Maïokovski. Le meilleur ami de Jean, le dernier. Il lui avait ordonné des pilules. Pour sa douleur. Et elle s’endort. Et le rat quitte le navire. Et cette fois encore, il pirate son cœur.

A suivre...