dissabte, 28 de juny del 2008

CT

Je n'ai pas l'habitude dans les pages de ce blog d'évoquer mon passé d'étudiant. Je n'ai pas l'habitude non plus de parler ouvertement de mes professeurs. Ni de les nommer d'ailleurs. Question de pudeur mais aussi de crainte de les mettre en danger face à l'indiscret Internet.
Beaucoup de femmes ont compté pour le développement de ma pensée littéraire et mon entrée en Occitanisme. Une d'entre elles se nomme C...T.... C'est un professeur agrégé très grand. D'une richesse humaniste. Je voudais vous parler d'elle. Il reste cependant un portrait à dresser avant de l'évoquer: celui de l'étudiant de lettres. A la fin des années quatre vingt dix, il y a peu d'années encore, les étudiants restaient des doux rêveurs qui croyaient que la vraie vie, ainsi que le parcours d'un homme, pouvait ressembler à l'odyssée rocambolesque et vide d'un Julien de Rubempré, un héros de roman. Nous croyions tous que la vie d'un homme dépendait d'une anaphore, d'une métaphore ou d'un rejet. Nous étions dans le vrai. Nous parlions par citation. L'histoire de l'honnête européen, pour nous, ne pouvait se détâcher des arts, des lettres et de l'histoire du langage qui forge les pays par la sensibilité mathématique de la grammaire, le chaos du style, la distinction, le choc, l'affrontement et la pratique des niveaux de langue entre eux. Nous mettions le professeur de lettres sur un piédestal. Les adultes que nous rencontrions ne se dégagaient pas des écrans plasma mais citaient des vers par coeur. Nous ne revions pas d'insupportables portables. Ni de grosses voitures. Nous étions des hommes tranquilles qui pensaient que la société française était la société des lettres. Et que le plaisir des mots latins, françois, arabes ou occitans restait notre monnaie unique.
Je lisais un ou deux romans par semaine. Je me rendais au cinéma d'art et d'essai chaque mercredi après-midi. C'était ma seule envie de luxe et je croyais que ma soif pour toute forme d'art ressemblait à la quête adulte.
L'Occitanisme ne put que renforcer ma curiosité et mon envie d'être. Etre dans les lettres, dans les textes, être le texte, faire le texte, comprendre la subtilité et la complexité du texte. Facile car à vingt ans, pardine, on aime les histoires de texte. A la fac Paul Valéry de Montpellier, les professeurs d'Occitan sont des linguistes, des historiens du CNRS, des professeurs de lettres classiques ou modernes agrégés, tous des écrivains ou des engagés, des enragés, des gens jeunes passionnés et passionnants. L'Etat, à cette époque encore très récente, commençait à créer de vrais statuts pour ces talents d'or malgré leur malheureuse clandestinité dans l'institution. Et les onze dernières années furent incroyables en création, réflexion et publications.
Il y a peu, c'était coutume, les jeunes étudiants passaient – dois -je utiliser l'imparfait? - le capes d'Occitan. Cela devenait normal. Intellectuellement il fallait transmettre cette humanité, cette langue à nos enfants. La poésie, la littérature, les leys d'amour, Frédéric Mistral, Max Rouquette. C'était acquis. Les jeunes professeurs consciencieux, républicains et laïcs, tous issus de l'IUFM, inovaient à grands pas en pédagogie des langues et honoraient le pays en reconaissant sa richesse dialectale. De plus, l'apprentissage des langues et des lettres nous enseignaient le voyage, l'autre et sa différence. Ouverture. Enrichissement. Découverte. Et non: folklore, terroir et potée auvergnate. Nous étions tous des Italiens, des Catalans, des Français, des Caracos, des Marocains, des Zombies, des Occitans. Nous utilisions le bilinguisme refoulé de nos grands-pères pour participer à l'histoire du Langage Européen Moderne.
Mercredi. Fin d'une histoire. Départ à la retraite de C... T. La cour du Centre de Recherche et de Documentation Pédagogique (CRDP) est rempli d' extras-terrestres. Les derniers humanistes de nos années deux-mille offrent des joutes oratoires moyenageuses à la dame en partance. Très swing, la poésie, l'humour qui s'en dégage, la précision rhétorique et la connaissance des collègues, font renaitre en moi un certaine jouissance. Celle de mes années fac. Mai cette impression dense est suivie aussitôt d'un goût de racavòmi. Inutile de vous expliquer les racines de ce mot occitan. C'est celles qui ont influencé l'expression française « racailles ».
C... T ne sera pas remplacée. On le sent. Comme toute personne qui part à la retraite dans la fonction publique française. Son humanité coûte trop cher. On perd notre chef, on perd un savoir, on perd des leçons, leçons de resistance, on perd des lettres, des plans, des dissertations, des citations, des appartés, des exergues, un sens français des lettres et de la connaissance, une noblesse occitane dans l'humour, la finesse, la poésie. On perd le paratge.
Sûr, cela ne touche pas qu'à l'Occitan. Demain, nos enfants oublieront le latin, le grec, les humanités. Et les lettres classiques et modernes. Et les langues latines. Et les langues du monde. Ils apprendront les maths, l'Anglais, le Chinois. Point. Alors, cet après-midi je regarde mes extra-terrestres dans la cour. Ces gens riches, riches que j'admire, qui font avec le langage une société plus belle, je les vois souffrir dans leurs profondes connaissances qui ont bâti leurs belles vies. Seule clé de voute à ce qu'ils sont: le savoir. Clé de voute qui se replie comme un os cassé à l'intérieur de leur chair. Le savoir devient blessure en France. Actuellement, l'état, comme jamais, tue les intellectuels et les sensibles. Et je relie mon texte. Les initiales de mon héroïne font CT. Encore un imparfait.

3 comentaris:

Anònim ha dit...

òi,òi,òi ... nostalgia quand nos tenes ! Bon, es una pagina que se vira mas es pas la fin de l'istòria. Solide, las annadas benesidas qu'ères un estudiant tornaràn pas, CT se conjugarà a l'imperfach mas aquò vòl pas dire que i aja pas una autra vida , un autre present de fargar ! I a una vida, sabes, fòra de la facultat ... E se l'estat vòl tuar la cultura aquò farà benlèu reagir e agir los que s'èran aconsomits e qu'avián doblidat que sèm totes engatjats dins un rapòrt de fòrça : pas res es acquesit, se cal batre, pè a pè, per far viure çò que cresèm. Era la paraula militanta de la serada -per provocar una reaccion salutària dins l'estil " Vai te'n cagar la vinha e frega-te lo cuol amb tos pamflets a dos euròs !" Ingrat, vai !

Mela ha dit...

manda-lo a CT

Anònim ha dit...

Osca per ton omenatge a Clara T que deu se'n anar a la retirada beleu !
Mai belèu que m'engani, ai assajat de devinhar.
Es totjorn un plaser de te legir.
Thierry